BRUGUIERES/Un peu d'histoire
Un peu d'histoire
ZoomCarte Jaillot 1695 ADHG 1 Fi 454Bruguières … ce nom vient de l’environnement, las brugues (ou bruyères) devaient fleurir les coteaux, à l’image des patronymes de villes voisines comme Lespinasse (épines), Castelginest (genêts) ou Fenouillet (fenouil). Une vaste étendue forestière recouvrant la partie nord et même la bordure ouest de l’Hers.
Nous savons peu de choses des temps anciens. On peut noter néanmoins la découverte de 2 sarcophages mérovingiens en 1979 lors des travaux de l’A62, puis en 2004, la mise à jour près de la rivière de l’Hers à La Mouline de 47 tombes du 12ème siècle, avec, dans un des silos enterrés, des vestiges de céramiques et d’une amphore romaine, témoins d’un habitat près de l’ancien moulin.
ZoomPont Novital signé Mgr Colbert vers 1700 ADHG PA 91Le village a du se constituer par la suite au moyen âge avec une première église dédiée à St Martin attestée en 1080. Après avoir été dépendante de l'Abbaye de Moissac, elle passa sous le contrôle de l'Abbaye de Saint-Sernin de Toulouse qui percevait d'elle une redevance annuelle de 2 sols toulousains. C’est d’ailleurs dans le Cartulaire de l’abbaye de St Sernin que se trouvent la plupart des mentions de Bruguières au moyen âge.
Un élément a dû jouer un rôle dans l’aménagement du paysage avec la fondation en 1114 d’une abbaye à Lespinasse. Ainsi en témoigne le nom de Gamouna (gué des moines), sur le chemin de Bruguières à Lespinasse, avant la création du pont sur l’Hers attesté au 17ème siècle. A noter un autre pont de bois, aujourd’hui disparu, en aval, à hauteur du château de Novital, situé chemin de Ladoux à St Jory.
ZoomChâteau de Bruguières en 1930Ce village de Bruguières était entouré d’une enceinte, sans doute de 8 à 10 m de hauteur, avec fossé. On en parle à propos de « travaux à y réaliser » en 1382. Ce fort, à l’image de celui de la plupart des villages proches, a été élevé ou consolidé lors de la guerre de cent ans pour se protéger des exactions des bandes armées du Prince Noir ou de Gaston Phébus qui sévissaient dans la région. Il a été entretenu jusqu’en juin 1595 où, devant l’armée du Duc de Ventadour, on a ouvert les portes contrairement à Fenouillet où devant la résistance, la garnison a été tuée.
La population à cette époque-là, est essentiellement composée de paysans - la partie méridionale de la commune étant d'une fertilité exceptionnelle grâce aux alluvions argilosableuses déposées par les crues de l'Hers – et approche la centaine d'âmes.
Mais la terre est aux mains des riches familles toulousaines, magistrats ou marchands. Du 14 au 16ème siècle, on trouve de nombreux capitouls Seigneurs ou co-Seigneurs de Bruguières. Les choses sont plus claires à partir de 1560, le Seigneur de St Jory, Michel Dufaur rachète la juridiction de Bruguières. Il y aura Charles, Pierre, puis Jacques Dufaur. Ensuite en 1613 ce sera la lignée des « d’Olive » avec rachat de la juridiction par Jean d’Olive. Le plus fameux seigneur pendant 55 ans étant Georges d’Olive conseiller du parlement qui, à l’époque de Louis XIV en 1657, a rebâti le château actuel sur la place, comme en témoigne l’inscription au dessus de la porte principale. Il investit en 1675 dans le premier établissement de faïence à Toulouse. Sa tombe était dans la salle capitulaire des Jacobins de Toulouse. Elle n’est plus visible aujourd’hui.
A noter une autre famille noble, les « de Buisson » qui avaient un château au Petit Paradis (ou Paravis) situé à l’emplacement de la bretelle d’accès vers Toulouse de l’autoroute A62. Ce château a été vendu pour être démoli en 1845. Les « de Buisson » avaient principalement leurs terres sur la rive gauche de l’Hers, alors que les « d’Olive » possédaient principalement les terres rive droite, comme celles de La Barthe (Super U) ainsi que le parc du château (actuel parc de Xeraco). Tous ces châteaux étant alors des résidences secondaires des riches toulousains.
C'est en 1511 qu'eut lieu la reconstruction de l'église actuelle sur les ruines d'un édifice érigé au XI siècle pour la somme de 160 écus de 20 sols. Elle avait pour titulaire Saint Martin et pour patron secondaire Saint Eutrope (premier évêque de Saintes). Son édification fut terminée en 1538. Son recteur était Jean Coste. Toutefois la consécration solennelle n'eut lieu que le 20 mai 1550 par Benoit de la Roue (Bénédictus de Rota), évêque de Chartres. Mais peu après, en 1562, elle fût incendiée par les Reistres allemands à la solde des protestants de Montauban.
ZoomStatue ND de Grâce - 1975 éd. LoubatièresPar ailleurs, le nom de Bruguières est associé à la présence d’un pèlerinage à Notre Dame de Grâce. Malgré les incertitudes historiques, on situe le début de celui-ci au 15ème siècle. En effet, il aurait existé un oratoire au Nord du village au point le plus haut, au milieu de l’actuel quartier Notre Dame - impasse du prieuré. Celui-ci aurait été détruit à l'époque des cathares.
La statue de la vierge ayant été cachée en terre pour échapper au vandalisme, elle aurait été découverte par un laboureur dont les bœufs se seraient arrêtés à cet endroit. Après avoir été apportée à l’église, par trois fois la statue était retrouvée le lendemain dans le champ de son « invention » (découverte).
ZoomAinsi on décida de bâtir une chapelle en ce lieu. Si ce type de découverte miraculeuse n’est pas spécifique à Bruguières, néanmoins, les indices écrits convergent pour la situer vers les années 1450. Ce qui est certain, c’est que la statue de la vierge conservée dans le petit musée dans l’église est fort ancienne. Il y a eu débat d’experts. Mais raisonnablement on peut la dater du 14ème. Elle n’a pas toujours été peinte comme aujourd’hui. Elle était ornée de manteaux offerts en reconnaissance, car elle fût vénérée pour de nombreux miracles.
Ceci explique que, devant l’afflux des pèlerins, les habitants ont rebâti en 1602 une grande chapelle de briques, contrairement au premier édifice érigé en terre (briques crues). Les habitants du lieu administraient eux mêmes la chapelle en élisant chaque année des marguilliers (laïcs gérant les offrandes) pour cette charge. Puis, suite à querelle avec le recteur (curé) du village, le Seigneur de St Jory leur suggéra de faire appel aux pères Dominicains du couvent de Toulouse. En novembre 1605, ceux-ci prirent les choses en main et apportèrent un souffle nouveau au pèlerinage. Dans la lignée du Concile de Trente, ce renouveau spirituel constituait une démonstration de la vitalité catholique toulousaine dans un contexte de lutte contre les protestants de Montauban. Un ouvrage de 1644 raconte sur 300 pages l’histoire étonnante de ce lieu et, en particulier, relate avec précision de nombreux miracles.
ZoomManuscrit de V. Laudun 1665 par Bruno Maës, CTHS histoire, 2008Ainsi, une nuit de 1557, trois personnes d’une même famille : le père, la mère, et le fils dérobent le manteau de la statue de la vierge. La cloche se met à sonner toute seule, alertant les voisins qui découvrent le vol. Les voleurs seront retrouvés à Grenade en train de monnayer leur butin. Ramenés à Bruguières, jugés, ils furent pendus. Les hommes sur la route de Gafelaze (St Alban) et la femme au pont sur le ruisseau des combes au début de la route de Montauban, en face la rue Notre Dame et qui porte depuis le nom de pont de la Pendude.
En 1643, les pères Jacobins (ancien nom des Dominicains) bâtirent un couvent à proximité de la chapelle. Il a été transformé, mais est toujours là. Cette chapelle avec clocher, sur la hauteur, visible de loin, rassemblait beaucoup de monde à l’occasion de la fête du 8 septembre. Se tenait simultanément avec la fête religieuse une foire autour de la chapelle. Laquelle foire agricole a perduré au moins jusqu’à la fin du 19ème. Notre fête locale de septembre a pris la suite de cette antique tradition, mais est décalée par rapport à la fête de ND de Grâce (qui se perpétue chaque année début septembre).
ZoomRectification du cours de l'Hers vers 1740 - ADHG PA 1L’effectif monastique de 6 religieux à l’origine fût augmenté en 1694 quand Jean de Rudelle, chanoine de l'église Saint-Etienne de Toulouse fit testament de 30.000 livres en faveur du couvent pour l'entretien de 12 religieux, tenus de résider dans ce monastère nouvellement créé. Il leur donna aussi la métairie de las Cabanes aujourd’hui en ruine, sur la rive gauche de l’Hers, chemin du Parc.
Durant le 17ème, siècle, Bruguières vécut des situations douloureuses. Tout d'abord, après l'échec du siège de Montauban par Louis XIII en 1621, notre village fut réquisitionné pour l'entretien des troupes royales. Douze habitants de la localité furent donc envoyés à l'armée et creusèrent des tranchées. Au fléau de la guerre, succéda l'épidémie de peste qui prit son tribut parmi la population jusqu'en 1631. On enterrait alors les gens rapidement dans leur jardin. La même année furent signalés deux tremblements de terre notoires qui défrayèrent la chronique.
1687 fut l'année de refonte des plans cadastraux qui dataient de 1517.
Au 18ème au mois de mai (mois de Marie), on voit les dimanches les villages entiers des alentours jusqu’à Villlaudric et même de Toulouse venir à tour de rôle en processions à Notre Dame de Grâce. Ceci occasionne une animation conséquente puisque le curé se plaint que les samedis de mai les gens chôment sans y être autorisés ! Comme quoi les « ponts » de mai ne datent pas d’aujourd’hui…
En 1738, une ordonnance de l’intendant du Languedoc demande la destruction de tous les moulins sur le cours de l’Hers qui, par leur barrage, provoquent des inondations. Ainsi le moulin à 2 meules de Bruguières, à la Mouline, disparait. En ces temps de grands travaux, on transforme le cours de la rivière en supprimant le méandre et en creusant un nouveau lit en amont et en aval du pont de Bruguières.
ZoomEn 1770 on réaménage la côte de Bruguières, en coupant tout droit au lieu de serpenter le long du creux, qui est encore nommé aujourd’hui le chemin prigount (premier).
Au 18ème, au château, les « d’Olive », magistrats laissent place aux « de Beaufort », famille de militaires Le marquis de Beaufort nomma en 1787 deux consuls, l'un du nom de Fihol, l'autre étant Yves Audigé. Leur mésentente étant proverbiale, il s'ensuivit un procès. Le décret du 14 décembre 1789 donna à ce litige une solution inattendue en supprimant les rôles de consuls et créant les municipalités. Combret, fut le premier maire de Bruguières.
Le Seigneur Joseph-Michel de Beaufort lieutenant, émigra. Il ne résidait pas à Bruguières mais à Paris où il se maria en 1781. Il fut tué à Quiberon en 1793 aux cotés des anglais. Ses biens furent placés sous séquestre et plus tard mis en adjudication. La Révolution s'emparait alors des biens de la noblesse et du clergé. Son frère, Victor de Beaufort, prêtre de l’oratoire, caché à Bruguières, fut guillotiné en 1794 suite à dénonciation.
La révolution fut une période animée à Bruguières. En effet le village était alors chef lieu de canton et les zélés responsables locaux créaient l’animation soit par des cérémonies au Temple de la Raison (église) soit par des démonstrations publiques. Ainsi les fêtes décadaires avec participation obligatoire rassemblaient sur la place publique les citoyens des alentours pour célébrer les moissons, la nation etc.… On jeta même les cloches d’en haut du clocher, ce qui creva la voute de l’église…
A la fin de l’ancien régime, le couvent des dominicains avait perdu de son lustre. Il était en mauvais état. Pourtant 3 pères étaient encore présents lors de l’inventaire, avant fermeture en 1791. Leur bibliothèque contenait alors 1380 ouvrages. Ils possédaient 2 métairies : Cap de Jouan et la Bastidole à Pechbonnieu. La chapelle Notre-Dame-de-Grâce vit son dernier pèlerinage en l'an 1793, avant d'être vendue pour 100.000 livres avec le couvent à un négociant toulousain dénommé Lacan. Il en fit son habitation, et fût, par la suite, maire de la commune durant les Cent-Jours et le Gouvernement de Juillet. Il mourut en 1851. La statue de la vierge, cachée par une femme nommée Menustre, est le seul témoin de ce lieu sacré, puisque les briques de la chapelle ont toutes été récupérées. La statue reprit place dans l’église paroissiale en 1803. Lors de la bataille de Toulouse du 10 avril 1814, contre l’armée napoléonienne, les anglais de Wellington sont passés par chez nous le 8 avril, comme en témoigne le registre de l’état civil qui a enregistré la naissance de Marie-Anne Barlo, fille d’un caporal irlandais de la 4ème division anglaise.
Au château se sont installés des marchands toulousains, les « Lignières » dont un fut maire de Toulouse en 1848.
Un projet de chemin de fer situait Bruguières et Fronton sur la grande ligne Bordeaux-Cette (Sète). Les coteaux accidentés de Bouloc et Saint-Sauveur firent obstacle à cette réalisation.
Jusqu'en 1810, la commune était privée d'école. Apparaît alors Germain de Cucsac, ancien trésorier général de France, qui a traversé la révolution sans dommage, contrairement à d’autres de sa famille comme Bernard, massacré au couvent des Carmes à Paris en 1792, ou du « de Cucsac » qui faisait partie des 6 conseillers du parlement de Toulouse guillotinés à Paris le 20 avril 1794.
Par son testament de 1805, Germain Cucsac lègue ses nombreux biens. Un décret impérial du 3 août 1810 « autorise l’acceptation de l’institution universelle faite par le sieur Cucsac aux pauvres. Pour le soulagement des habitants des trois communes de Bruguières, Saint Sauveur et Castelginest. 1° Une maison de charité et de secours à domicile, qui sera desservie par 3 sœurs de la congrégation de St Vincent de Paul, et où les jeunes filles seront instruites, 2° une école de charité tenue par un ecclésiastique chargé de l’instruction des jeunes garçons ».
Son domaine de 150 ha appartenait au bureau de bienfaisance, ancêtre du CCAS actuel. Il était constitué de la plupart des terrains de l’actuelle zone industrielle ce qui a fait la richesse récente de notre commune. Une maison de retraite a pris la suite de cet ancien asile et école, gérée jusqu’en septembre 2007 par les sœurs de St Vincent de Paul.
ZoomLes écoles de Bruguières en 1920En 1830, l'administration nomma un instituteur laïc en remplacement du prêtre, ce qui provoqua des divisions au sein de l'assemblée communale. Un second instituteur fut nommé d'office en 1879, il était logé dans la maison Mader sur la place. En 1907, à la satisfaction générale, un magnifique groupe scolaire est construit, avenue de Toulouse à l'entrée du village.
En 1839 le curé souhaite percer le mur du clocher afin de déplacer l’entrée de l’église. Anciennement elle se situait sur le côté Est, là où se trouve le petit musée. Ces travaux ne seront réalisés finalement qu’en 1862. On bâti alors un porche situé à gauche du clocher avec une décoration de céramique de la maison Virebent.
Pour remplacer la salle de réunion des consuls attenante à l’ancienne entrée de l’église, on édifia une mairie sur la place, où se trouve actuellement la police municipale. Le presbytère, situé 4 rue de l’église, servant précédemment d’école de garçons, a été transféré juste à côté dans une nouvelle maison construite en même temps que le nouveau porche de l’église.
L’activité industrielle démarre avec la présence de 2 briqueteries. La première en 1862, l’autre en 1875. Elles remplacèrent l’ancienne tuilerie sise au 37 de la rue des sports.
Une passerelle métallique est lancée sur l’Hers en 1904, elle raccourcissait entre autres, le trajet du facteur qui allait chercher le courrier à la gare de St Jory.
L’éclairage public arrive en 1923. La première ligne d’autobus Toulouse-Bruguières est crée en 1927. Un réseau d’eau potable est prévu en 1947. Une nouvelle mairie est inaugurée en 1952. Elle abrite alors, nouveauté pour l’époque, des bains-douches.
Le début du XXème, siècle voit Bruguières avoisiner les 650 habitants pour ensuite dans les années 1960, passer à 1.500 âmes. La plupart sont agriculteurs, d'autres travaillent à la briqueterie Gélis ou bien à la papeterie de Lacourtensourt. Les abattoirs de Fenouillet recrutaient une main d'œuvre plutôt féminine. Ces entreprises ferment hélas leurs portes dans les années 70.
Avec la création de l'autoroute A62 Toulouse-Bordeaux en 1980, l'évolution de notre urbanisation essentiellement pavillonnaire, fait croître notre population qui approche les 5000 habitants.
Bibliographie :
- « Histoire de Notre Dame de Grâce de Bruguières » par Etienne Molinier 1644 B M Toulouse.
- Fond dominicain A D Haute Garonne 112 H 135 à 143 Visites pastorales 17ème- 18ème » A D Haute Garonne 2 Mi 815.
- Biens des jacobins Archives Municipales de Toulouse 5S17.
- Synthèse des Compte rendus conseil municipal Bruguières 1792 – 1956 par Mr Paul Lafon.
- « Le journal de Toulouse » 1820-1860 en ligne sur la BM de Toulouse.
- « Notre Dame de France, histoire du culte de la sainte vierge », tome 3, Jean-Marie Hamon 1863 (Google Books).
- Monographie de Prévost instituteur 1885 ADHG.
- Albert Chauliac dans « Revue historique de Toulouse » 1922 B M Toulouse LP 15007.
- Albert Chauliac « Le canton de Bruguières pendant le directoire » 1935 B M Toulouse LMC 8554.
- Monographie de Bruguières par Adrien Escudier 1935.
- « Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des lumières » par Georges Frèche 1974 BMT 944 31 F.
- « Eglise de Bruguières » par l’abbé Jean Barrué dans l’Auta mai 1977.
- « Les églises du canton de Fronton » par l’abbé Jean Rocacher 1990.
- Etude « Lotissement la Mouline » par Julien Pélissier du Bureau investigations archéologiques Hades 2004.
- Cartes postales anciennes de Bruguières : www.cartesdufrontonnais.com